Solidarité moutonne

Je rêve parfois d'une chose: qu'ils puissent s'exprimer dans notre langue. Cette incommunicabilité, ou plutôt notre incapacité à pouvoir traduire leurs émotions, leurs besoins ou leurs états est frustrante.

Assez d'accord avec toi, cependant je mettrais de la nuance dans l'affirmation :

En passant beaucoup de temps avec eux, en les observant de loin ou en étant au milieu d'eux, on arrive à comprendre beaucoup de leurs attitudes corporelles et ce qu'elles veulent exprimées : on lit beaucoup de choses dans le regard, dans l'orientation des oreilles, dans la position du corps, la situation des uns avec les autres dans le troupeau..., l'intensité et la tonalité des bêlements, faire attention si l'un est un peu à la traine et se "sépare" des autres, essayer de comprendre le pourquoi...

On apprend à connaitre leur caractère : celui qui est le plus sensible, qui est le plus "tranquille", sérieux, caractériel etc... celui qui s'entend mieux avec qui et va "tout" lui laisser passer, et ceux qui ont des relations plus confictuelles.... on peut parfois aussi anticiper des situations, c'est le cas ici pour Romuald qui est le plus caractériel et impatient : je peux estimer avec assez de précision "ça, ça va pas plaire à Romuald" qui va tenter de donner des petits coups de tête pour me faire comprendre qu'il n'est pas d'accord ! 2 fois sur 3 je ne me trompe pas (j'ai qu'à distribuer le foin plus vite, vous me direz ! )

Bien-sûr, c'est un apprentissage quotidien et ceci est peut-être mon interprétation, me direz-vous et il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, avec ici une particulière fragrante incompréhension : l'an dernier début mars, Zéro s'allonge de tout son long devant de moi qui marche, dans un endroit improbable, en pente.... et je pense "mais qu'est-ce qu'elle veut me dire" ? je m'allonge à côté d'elle et essaye de comprendre, mais je ne comprends rien et elle se relève... quelques jours plus tard elle mettra bas du tout petit Romuald... le message était donc "moi aussi je suis pleine ! moi aussi je veux de l'attention et du grain en plus comme tu donnes à Clotilde ! " Pauvre Zéro, comme elle a dû se sentir comme "mise à l'écart !"

Donc, oui, il reste beaucoup à observer et à comprendre, mais c'est d'une certaine manière, dans une certaine mesure : "possible"...

Et la solidarité n'est pas uniquement entre eux ! .... "Octobre 2020 : Zéro prend ma défence contre à Lulu qui devient de plus en plus caractériel et charge " (c'était 1 semaine avant qu'il soit castré)

Mais surtout entre eux :
"Octobre 2020 : le véto confirme que Lulu n'est pas castré et le castre à la pince, sans anesthésique et sans anti-douleurs   malgré mes demandes insistantes et répétées !!  (c'est mon tout premier contact avec un véto et je suis pas prête d'oublier cet espèce de boucher, qui lui a également arraché une corne en voulant la scier... le cauchemar cette put@%§ d'expérience !) Sous les pinces Lulu est abassourdi par la douleur et ne bouge plus du tout, il souffre énormément.  

Quand le véto part, je suis en TRES EN COLERE contre le véto, contre le berger qui m'avait dit qu'il était castré, contre moi-même qui avait peur quand il chargeait, contre la planète entière !!!   Je vais le voir très régulièrement, il a le regard très douloureux, les yeux plissés de douleurs et de tristesse et il marche très difficilement : c'est insupportable ! et je me sens tellement responsable!!  

Le lendemain c'est pareil, et dans l'après-midi il reste vautré, seul derrière le portail qui est le plus prêt de la maison. Je reste assise avec lui  à le caresser. Clotilde qui est devenue "approchable" uniquement depuis 1 mois, vient le voir à deux reprises : elle gratte sa patte par terre, et la mets sur le dos de Lulu et me regarde : le message est limpide : 'il a MAL ! Mais fais quelque chose, bon dieu !   remets-le sur pieds!"

Je décide alors d'anticiper leur accès au tout nouveau parc, à plat, avec la nouvelle bergerie, pour pouvoir mieux surveiller Lulu, qui le lendemain heureusement n'aura plus de signe de douleur...

PS : inutile de vous dire que la véto suivante, qui est venue quand Zéro boitait, je lui ai fait un SACRE BRIEFING de ce que je n'était PAS prête à accepter en terme de douleurs pour mes aninaux... AVANT qu'elle mettre les mains sur ma brebis !!!!

Ohlala quelle terrible expérience !

Moi c'est pareil je suis prête à les défendre à mon corps défendant s'il le faut.

Heureusement mon véto est quelqu'un de très bien, respectueux des animaux et de leur bien être. Ils le sentent .

J'avais un tondeur avant qui ne viendra plus chez nous pour cette raison: je n'oublierai pas la fois ou il a pris de l'élan pour mettre un énorme coup de pied dans la tête de Moïse qui n'était pas agressif mais qui veut toujours venir soutenir ceux qui passent à la tondeuse ( en plus il ne gênait pas son travail).

Je n'oublierai pas mais lui non plus.... L'année d'après comme on n'avait pas trouvé d'autre tondeur, il avait fallu qu'il revienne cette fois sous très haute surveillance !. Mais quand j'ai vu à quel point Moïse était nerveux et cette fois franchement agressif , quand j'ai vu comment le stress gagnait tout le petit troupeau entre ceux qui voulaient s'enfuir et ceux qui voulaient défendre les autres, j'ai décidé que si je ne trouvais personne d'autre je m'y prendrais moi-même au ciseaux s'il le faut.

Avec le nouveau tondeur tout se passe tranquillement et Moïse ne se sent pas obligé de rester collé à ceux qui se font tondre: il vient juste les voir pour dire qu'il est là et s'éloigne.

oh mais quel coooonn@%§ !!!    Pauvre Moïse !    Oui, malheureusement la bétise humaine n'a pas de limite... ! et ils ont une sacrée mémoire nos moutons !  

Ma Zéro a fait comme ton Moïse en mai dernier, alors qu'elle ne connaissait pas le tondeur, ne savait pas ce qu'était la tondeuse, être tondu(e)... Elle a tout de suite été voir Clotilde qui était la première sous la tondeuse. Quelle SOLIDARITE ces moutons !!    

- Zéro : "Ca va ? ça fait mal ? comment tu te sens?!"      
- Clotilde : "Ca chatouille, je me sens plus légère et j'ai moins chaud !"

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]

Janvier 2021 : Zéro boite terriblement   et je fais venir la véto.

Les Triplés sont enfermés dans la bergerie et je bloque Zéro pour que la véto puisse l'ausculter. Immédiatement Lulu se fraie un passage entre nous 4 : Zéro, la véto, le mur et moi et se blottit tout contre Zéro et ne bouge plus d’un millimètre. Les messages corporels et les regards sont limpides :
- A Zéro : « Je suis là, n’ai pas peur ! »  
- A nous : « Attention à ce que vous faites à mon amour ! ;   prenez soin d’elle ! ».
Clotilde n’est pas loin non plus et scrute toute la scène d’un regard inquiet   !

Le lendemain, j’essaie de faire prendre sa seringue d’aspirine à Zéro..... et Lulu : me mord/mord la seringue !   « Qu’est-ce que tu lui fais ?  y’a quoi dans ce truc ?!   Bas les pattes, tu vois bien qu’elle n’aime pas !!   »

Quelle solidarité   ces moutons !!    

Magnifique témoignage. Voilà pourquoi j'ai tellement d'estime pour les béliers