- Fanwin a écrit:
Malgré tout ce temps à la chérir et la soigner, j'ai l'impression de ne m'être jamais préparée à la perdre. Je regrette de lui avoir dit une nuit, il y a peu, que je n'allais plus y arriver. Je me levais plusieurs fois dans la nuit pour ses besoins et pour lui donner à manger durant 3/4 d'heure une heure et j'avais du mal à me rendormir entre deux.
Jusque là elle manifestait de la joie de vivre. C'est comme si je lui avais donné le signal du départ, ou peut-être attendait t'elle de me sentir prête ?
Mon message surprendra peut-être les personnes qui n'ont "que des moutons", mais je suis certaine que certains d'entre vous me comprendront.
Fanny est un être merveilleux et je crois qu'elle m'insuffle la force nécessaire pour lui survivre...
Il était une fois un enfant, beau comme un dieu, sourd et atteint de fortes crises d'épilepsie.
Un être plein de joie et de bonnes intentions permanentes. Né pour être attentif aux autres. Né pour émouvoir et apporter la gentillesse et la bonne humeur autour de lui.
Puis ses progrès ont été si grands, et les crises d'épilepsie ont si bien disparu, qu'au cours de sa préadolescence, il a pu aller tout seul en activité ludique sans sa maman. Comme les autres enfants.
La journée a été extraordinaire, sa maman était si fière! Quand il s'est glissé dans son bain avec délice, heureux de ce qu'il venait de vivre, sa maman lui a dit: "Ca y est, tu peux voler de tes propres ailes!"
Elle s'est éloignée pour aller chercher un papier. Elle est revenu, il était inanimé dans son bain.
Moi, j'ai vu passer l'hélico ce jour-là. J'ai eu le cœur serré, en me disant que quelqu'un sur la route avait dû se mettre dans un sale état.
Il a rendu sa famille heureuse à sa façon. Il est allé jusqu'où sa mère avait à cœur de l'amener. Et alors il a enfin pu voler de ses propres ailes, ce petit bonhomme.
Si vous aviez vu le nombre de personnes qu'il y avait à son enterrement, et le sourire de la mère malgré ses larmes, sa mère qui avait compris, et qui réconfortait tant bien que mal ses amis, ses autres enfants.
Il était une fois un foetus. Organes mal cloisonnés. Deux opérations dans le ventre de sa mère plus tard, il est là, il nait, il vit. Il survit. Il n'évolue pas vers le mieux. Mais pas vers le mal; il tient, il s'accroche.
Quinze jours comme ça.
Ce jour, sa mère le prend dans ses bras longuement, plus tendrement encore. Et lui dit. Lui dit qu'il n'est pas obligé de s'accrocher. Qu'elle va souffrir, terriblement, mais qu'elle ne lui en voudra pas de refuser une vie qui commence si mal, qu'il a le droit d'abandonner. Il est parti quelques heures après.
Il y a eu ce poney, que j'aimais tant. Et quand dans son ventre ça a lâché, j'ai tout fait, tout fait, comme une folle, pour qu'il vive quand même. Le véto ne savait plus comment me dire que le poney aurait déjà dû être mort depuis plusieurs heures, qu'il était temps d'accepter. (oui, parce-qu'en tant que monitrice, il y a quand même des évidences, s'il y a quelqu'un qui avait compris que c'était fini depuis le milieu de la journée, c'était bien moi! mais je ne VOULAIS pas qu'il meure, jamais!). Je ne sais pas qui du véto ou du poney a fait en sorte d'attendre que je sois prête. Mais je ne pense pas que la seule morphine maintienne en vie.
Alors moi, oui, je comprends, ce qu'il y a eu entre Fanny et toi.
Animaux ou personnes, le dialogue va au-delà des mots.
Je suis sûre que Fanny savait à quel point elle était importante dans ta vie.
Sûre qu'elle a tenu son rôle haut-la-main jusqu'à ce qu'enfin elle te sente prête. Prête parce-que tu as reconnu implicitement que sa vie n'en était pas une.
Tu le lui as accordé en disant que ta vie n'en était plus une.
Des fois, en voulant trop que les autres vivent, on peut leur infliger un calvaire. Malgré les sourires extérieurs.
Je ne dis pas ça pour Fanny.
Juste pour cette incroyable force qui nous pousse à vivre pour les autres, des fois au-delà de nos limites, de peur du chagrin des autres.